Budgétisation sensible au genre – la réforme des finances publiques qui prône l’égalité des sexes et l’autonomisation économique des femmes
Aujourd’hui, les us et coutumes, dans différentes sociétés, ont creusé d’importants déséquilibres au niveau socioéconomique. Fort de ce constat, les Nations Unies en 2015, ont décidé de faire de l’égalité entre les sexes, un droit fondamental de la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable. La Budgétisation Sensible au Genre (BSG) est intimement liée à cet objectif. Elle ambitionne d’orienter une partie des dépenses publiques dans le but de réduire les inégalités socio-économiques existantes entre les hommes et les femmes, les filles et les garçons. On peut citer le Maroc, le Sénégal et le Rwanda entre autres comme des pays africains qui ont fait de cette approche, un élément clé pour la réduction de la pauvreté et la croissance inclusive.
Au Cameroun, le nouveau paradigme de la BSG, adopté depuis 2009 à travers les circulaires de préparation du budget de l’Etat, tardait à être implémenté, faute de maîtrise de la démarche et des outils de son opérationnalisation. En 2021, avec l’accompagnement du Fonds Monétaire International (FMI), la BSG est mise en œuvre avec huit (08) ministères pilotes en charge des affaires sociales, de la femme et de la famille, de la santé, de l’éducation de base, des enseignements secondaires, de l’agriculture, de l’élevage et des pêches, et de la décentralisation.
Objectif et dispositions réglementaires de la Budgétisation Sensible au Genre
L’objectif est de garantir que les hommes et les femmes aient les mêmes avantages et que l’inégalité ne soit pas perpétuée. Il nécessite en amont que le processus de la BSG prenne son ancrage dans la législation, les politiques et les programmes, dans tous les domaines et à tous les niveaux.
A cet effet, le Président de la République à travers la circulaire n°001 du 30 Août 2021 relative à la préparation du budget de l’Etat pour l’exercice 2022, interpelle les ministères à faire de l’intégration de la planification et budgétisation sensible au genre une priorité dans tous les secteurs du développement national. A travers cette interpellation, le Ministre des finances, par la circulaire n°00000023/C/MINFI du 02 août 2022 relative à l’intégration et à l’évaluation de la Budgétisation Sensible au Genre dans le budget de l’Etat, décrit de manière opérationnelle la démarche et les outils d’implémentation de la BSG au Cameroun.
Les modalités de prise en compte du genre dans le budget de l’Etat
La BSG n’étant pas un budget séparé pour les femmes, ni la ségrégation budgétaire, avec des crédits affectés séparément aux hommes et aux femmes ; elle s’intègre systématiquement dans le budget général.
Concrètement, il est question dans un premier temps, que les départements ministériels et assimilés établissent un état des lieux des réalisations antérieures et des projections en termes d’effet des programmes budgétaires sur la réduction des inégalités. Cette étude permet également d’interroger les résultats obtenus des programmes budgétaires au cours des exercices précédents, relativement à la réduction des inégalités de sexe et à l’autonomisation des femmes. Les aspects genre doivent donc être un critère majeur dans l’analyse et l’interprétation des résultats. A l’issue de cette étude, les administrations disposent d’un portefeuille actualisé des activités pour le prochain exercice budgétaire. Les nouvelles activités tout comme les anciennes, planifiées en faveur de la réduction des écarts entre les sexes, doivent être dans leur formulation, reflétées la sensibilité genre. Pour ce qui est des projets d’investissements publics, les besoins différenciés des sexes et l’amélioration de leurs conditions de vie est désormais un critère significatif dans la maturation des projets.
Dans un deuxième temps, les activités retenues précédemment sont inscrites dans l’outil programmatique ministériel à savoir le Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT). Cette perspective permet aux départements ministériels et assimilés de disposer d’une meilleure visibilité sur les dépenses sensibles au genre à court et moyen termes. Elle présente l’ensemble des mesures et des ressources programmées en vue de répondre aux problématiques liées aux inégalités socio-économiques entre les hommes et les femmes qui nécessitent une intervention dans le champ d’action des différents programmes. Par ailleurs, les parlementaires, à travers le Débat d’Orientation Budgétaire (DOB), doivent explorer le Document de Programmation Economique et Budgétaire à moyen terme (DPEB) qui leur est soumis. Ceci pour une meilleure appropriation de l’action gouvernementale en matière de promotion de l’égalité de sexes et d’apporter leur avis aux manquements détectés en termes de besoins de populations. Également, les instances des décisions gouvernementales en matière des finances publiques comme les Conférences Elargies de Programmation budgétaire et de la Performance Associée (CEPB/PA), sont l’occasion pour les commissaires de s’assurer de la prise en compte effective des besoins en matière de genre dans les documents budgétaires.
Troisièmement, les conférences budgétaires, permettront d’examiner les Projets de Performance Annuels sous le prisme du genre. A cet effet, il sera question de : (i) examiner et approuver la répartition des crédits budgétisés au profit des activités sensibles au genre ; (ii) vérifier les éléments de coûts des activités sensibles au genre proposées, ainsi que la performance escomptée au terme de leur mise en œuvre ; (iii) présenter les éléments de performance liés aux programmes ayant un impact implicite ou explicite sur l’égalité du genre, tout en rendant compte des réalisations antérieures.
En fin, les départements ministériels et assimilés sont invités, chacun en ce qui le concerne, à compiler les informations nécessaires en vue de l’élaboration du document budgétaire sensible au genre. Le ministère des finances consolide les différentes contributions des départements ministériels et assimilés, le finalise et le joint comme annexe au projet de loi de finances.
L’évaluation de la BSG est faite dans le document budgétaire sensible au genre. Ce document présente les réalisations et les efforts fournis par le gouvernement en matière de réduction des inégalités entre les sexes. Il dresse aussi les perspectives en matière de genre. Pour cela, les Rapports Annuels de Performance (RAP) des administrations doivent ressortir des données et informations permettant d’évaluer toute action ou activité planifiée en faveur du genre.
Animation de la budgétisation sensible au genre
Dans chaque administration, deux types d’acteurs sont ciblés pour l’animation de la BSG. Les contrôleurs de gestion veillent à la prise en compte du genre dans les cadres de performance et les activités des programmes ainsi qu’à l’établissement du suivi et du reporting sensibles au genre. Aussi, un point focal BSG est désigné dans la Direction en charge de la préparation du budget pour s’assurera de la prise en compte du genre tout au long de la procédure budgétaire. Par ailleurs, il est chargé d’animer le processus d’intégration des outils relatifs à la BSG.
En définitive, la budgétisation sensible au genre se présente comme un élément clé pour l’atteinte des attentes de développement du capital humain et du bien-être de la population tel que stipulé par la SND30. En effet, elle réduit considérablement les inégalités sociales et élimine les préjugés ou pesanteurs sociales quant aux rôles attribués aux femmes et aux filles. Et aussi, elle améliore la transparence dans l’utilisation des fonds publics et donne une bonne notation au système de Gestions des Finances publiques. Il est donc nécessaire pour le Gouvernement camerounais d’accélérer son processus d’opérationnalisation aussi bien au niveau central que décentralisé.